mercredi 1 décembre 2010

26- Lutte contre une faucheuse

Hier matin, un vieux s'est effondré dans la rue. Il vacillait et une dame l'a aidé. Je me suis approchée pour l'aider aussi et deux pas plus loin, le pauvre succombait.

- Madame! Appelez le 911. Monsieur! Faites le 911! Le 911!!! S'il vous plaît!! Appelez le 911! Rapidement!
- Monsieur! Monsieur! Vous m'entendez??

Ses yeux me regardent et cherchent à s'accrocher. Les mannequins dans le cours de RCR n'avaient même pas de yeux, eux, et tout le monde autour riait.

- Monsieur, on a appelé l'ambulance, je vais m'occuper de vous.

Mais le vieillard disparaît du monde. Sa tête, qu'il tentait de soulever pour mieux me voir se relâche vers l'arrière. Quand je me penche au-dessus de lui, ses yeux ne me voit plus. Son pantalon est mouillé; sa vessie s'est relâchée.

- S'il vous plaît! Il n'y a pas une couverture dans l'autobus?? Apportez-moi une couverture! Je veux une couverture! Vite!

J'essaie d'écouter dans la panique un souffle vain. J'essaie de sentir un pouls malgré mes mains qui tremblent. Ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident. Je ne sais même pas si vraiment, son cœur s'était arrêté. Mais l'homme est visiblement mal. Avant de commencer les manœuvres de réanimation cardiaque, j'hésite sur la bonne position des mains. C'était comment déjà? Les doigts entre les doigts ou les uns au-dessus des autres? Incroyable comme questionnement en un temps pareil! Et puis, allez! On s'en fout!!!!!!! Vas-y direct!! La première poussée ne donne rien,je me repositionne, et je recommence, hésitante au début puis plus confiante après quelques poussées. Dans ma tête, je me répète en boucle: "C'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible."

Au bout de quelques compressions, il y a un bruit, le bruit que font les morts quand ils ressuscitent dans les films. Et je sens dans son thorax que quelque chose a changé. Le vieux revient à lui, il relève la tête, ne comprend pas ce qui se passe. On lui demande de rester couché, il refuse puis à force d'arguments, il finit par se laisser faire.

Je lui demande son nom, ses médicaments: "Heart", son âge: "86 ans". Ses allergies, d'où il vient, où il va aller maintenant: "À l'hôpital? Mais je viens de là! Je viens de sortir!" Le pauvre... l'hôpital était de l'autre côté de la rue.

Les ambulances, comme c'est long à arriver... Mais tout de même, ça arrive et c'est le plus important. Je lance les informations aux premiers ambulanciers que je vois. Ça y va tout seul. Les ambulanciers prennent place autour de l'homme, ils reprennent la situation en main et tranquillement, ma place est de moins en moins au côté de ce petit vieux. Il va mieux. Moi j'ai envie de pleurer.

Un ambulancier me dit: "Merci" comme une invitation à partir, à lâcher prise sur la situation. Je n'aime pas le statut de spectatrice dans ce genre d'événement. Je trouve ça pervers, malhonnête, croche. Il me reste plus qu'à traverser la rue pour prendre l'autobus, l'envie de pleurer toujours dans la gorge...

Le soir, j'apprends de ma mère que ma grand-mère est tombée et qu'elle va moyennement bien...

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