dimanche 19 décembre 2010

32- Le voile

Il m'arrive parfois de vouloir mettre le voile, le hijab, celui que tellement de gens déteste sans savoir pourquoi. Ça m'arrive, oui. Peut-être parce que je trouve ça beau. Peut-être aussi pour choquer. J'ai toujours un peu aimer provoquer.

L'hiver, c'est particulièrement bien, ça tient au chaud. L'été aussi, c'est bien, ça protège du soleil. Et avec un hijab clair, ça tient au frais, comme une casquette.

Je sais pas pourquoi, j'ai l'impression qu'avec un hijab, les choses seraient plus simples.

La religion islamique est magnifique. Mon chum est une personne exceptionnelle, comme j'en ai jamais rencontré avant. Dans certains trucs, il me semble presque surhumain! À ses côtés, je me suis rendue compte de la futilité du mode de vie des Québécois, en général.

Bon, je n'ai jamais été très, très proche de la culture/tradition québécoise (même si j'en suis une!) mais je n'ai jamais pu y mettre une explication. C'est en discutant de tout et de rien avec mon chum que, tranquillement pas vite, je me suis rendue compte des choses qui clochaient dans notre façon de voir la vie et d'évaluer nos priorités.

Il y a quelques familles québécoises qui m'impressionnent, tant je les trouve belles, simples et unies. Elles sont incroyablement magnifiques, celles-là. Cependant, elles font exception dans mon entourage et même, dans mon entourage éloigné. Partout où je regarde, je n'arrive pas à trouver un modèle exemplaire chez les Québécois. J'ai plutôt tendance à m'éloigner d'eux. Et d'ailleurs, je parle des Québécois comme si je n'en faisais pas partie...

C'est en ce sens que je me sens plus musulmane que Québécoise, bien qu'être un n'empêche pas l'autre. Les valeurs de la religion musulmane me sont plus proches que celles des Québécois, mais j'ai beaucoup de difficulté à percevoir un Dieu qui "parle". Je vois tant de défauts à travers les livres sacrés. Des défauts linguistiques, philosophiques et logiques.

Il y a des gens qui ont la foi et d'autres pas. Il n'y a pas d'intermédiaire. On croit ou on ne croit pas. Ensuite, on peut pratiquer un peu, beaucoup, passionnément, "extrêmistement". Avec ou sans la foi. Je ne crois pas en Allah comme le Coran l'entend, mais je pense souvent à Dieu. Je lui demande son aide, je ne bois plus l'alcool (mais c'est vrai que j'ai quelques petites rechutes parfois!), je mange halal (la nourriture halal interdit le mauvais traitement des animaux), je m'habille sobrement, je prends soin de moi, j'ai confiance en moi aussi, etc.

C'est un mode de vie qui me convient mieux. C'est un mode de vie que je voudrais donner à mes enfants aussi. La question de la religion, de la foi, elle passe après. Le plus important à mes yeux, c'est qu'ils vivent bien et correctement, de cette façon-là. Mais certainement qu'ils sauront que ça vient pas de la société québécoise, mais plutôt des musulmans...

dimanche 12 décembre 2010

31- Mauvaise idée

Quand j'étais plus jeune, j'avais essayé à deux ou trois reprises la pilule. Ça ne m'avait jamais fait. Avant même de commencer, je n'aimais pas ça. Alors en la prenant...

Et depuis ce temps, à chaque année, comme une bonne vieille routine, mon médecin me demande: "Et la pilule?" et moi je réponds: "Non merci." S'en suit alors une longue discussion sur les risques d'une grossesse, etc. Elle fait son travail, je l'écoute patiemment et puis on passe de l'autre côté du bureau.

Mais là, il y avait les Bahamas. Come on! Ça vaut bien un p'tit effort d'un mois pour éviter une semaine dans le rouge.

Alors j'appelle mon médecin et elle, tout excitée, m'envoie la prescription presque en courrier recommandé tant elle est heureuse de ma capitulation à mon entêtement. Je vais à la pharmacie, paie les 32$ de deux mois de comprimés en soupirant et m'éloigne avec ma plaquette d'hormones féminines.

Écoutez... déjà, une fin de session, c'est difficile, mais en plus, quand tes hormones sont chamboulées, c'est in-sou-te-na-ble. Trois jours de nausées et de maux de tête m'ont décidé à arrêter ça pour tout le restant de ma vie. C'est pire qu'arrêter de fumer, j'en suis sûre.

jeudi 9 décembre 2010

30- La faiblesse du Père Noël

Hier, ma Grand-Mère rencontrait le Père Noël à son centre. Elle en a été si excitée qu'elle a fait une chute de pression. Chaleur, sueur, faiblesse, etc. Enfin... on a dit que c'était à cause du Père Noël qu'elle s'était sentie si faible soudainement. On l'a dit, pour rire, mais la réalité, c'est qu'elle est vieille.

Ce qui m'attriste, ce n'est pas qu'elle meurt. Ce qui m'attriste, c'est que sa fin de vie sera remplie d'un jargon médical qu'elle comprendra de moins en moins. Elle sera seule dans un monde extraterrestre. On lui branchera des machines dans le corps et de temps en temps, des figures vaguement familières apparaîtront comme des mirages au pied de son lit. Ce sera nous, une fois par semaine (c'est un minimum), mais elle ne s'en rappellera plus.

J'avais envoyé un SMS à ma mère, pour lui dire que j'avais parlé à l'infirmière en chef de son centre. Cette madame de 45 ans me prenait de haut: "T'as quel âge, toi?! Parce que moi, j'ai 45 ans, je suis infirmière et j'en prendrais pas de personnes âgées chez moi."

Oui, mais on n'est pas tous pareil. En tant que moindrement éduquée, l'infirmière devrait le savoir, ça. Et puis j'ai un père qui s'est suicidé tellement il était mal. Maladie mentale ou non, je sais que la tristesse, ça peut mener loin. Ça aussi, c'est pas difficile à comprendre, surtout quand on a un diplôme. Ça me donne envie de sacrer.

De lui cracher dessus.

Je deviens méchante avec les personnes qui se sentent meilleures que moi et qui oublient l'intérêt des plus faibles. J'ai envoyé promener le dealer de lithium de la sœur quand ce docteur m'a dit que je souffrais fort probablement de bipolarité, comme elle, comme mon père aussi, sans doute.

Dans tous les cas, il a fallu que je demande moi-même à ma mère si elle avait reçu mon SMS. Elle a dit: "Oui, on en reparlera. Je vois beaucoup d'inconvénients. Et des gros, à part de ça."

Dans la tête à ma mère, je suis naïve parce que j'optimise et elle, elle négative. Mais quand même, je vois dans toute son attitude un mince espoir. Je dois la faire rêver, ce qui n'a pas du lui arriver très, très souvent, ces derniers temps.

Mais elle a peur d'optimiser. Vous savez, elle a été tellement désillusionnée dans sa vie...! Alors on ne s'en est pas reparlé. J'ai envie de la traiter d'idiote.

Ma mère a envoyé un courriel à mon frère, à ma sœur et à moi pour savoir ce qu'on voulait comme cadeaux de Noël. J'ai pensé l'ignoré, mais elle nous a menacé de pantoufles de chien et de pyjamas de canard si on ne lui donnait pas de réponse avant demain.

Je savais que la question viendrait et j'y ai pensé. Ce que j'aimerais, ça serait que ma mère devienne honnête. Et avec elle, et avec moi, et tout son entourage. Il me semble que ça irait tellement mieux après. Mais après, j'ai pensé: l'honnêteté, ça s'emballe pas, alors elle ne comprenait pas comment répondre à ma demande. Pour lui faire plaisir, j'ai répondu: des certificats cadeaux: université, métro, SecondCup, linge. Mais moi, ça ne me fait pas plaisir.

Ce matin, il y avait encore dans la barre de recherche Google: Couper lez ponts avec sa famille. Je n'ai trouvé qu'un seul article moyennement intéressant, hier. Mais ça faisait du sens, quand même. Ma mère m'épuise, ma mère m'intoxique, ma mère ne m'apporte rien. Ce sont des raisons suffisantes pour éloigner une personne de moi.

Et ma mère, s'est aussi une personne.

mardi 7 décembre 2010

29- Grand-Maman

J'ai décidé de prendre soin de ma grand-mère. Je veux dire, d'aménager avec elle dans un nouvel appartement. Pour prendre soin d'elle 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ou presque.

Ce ne sera pas toujours facile, mais l'image d'elle, couchée sur son lit, incapable de se lever et qui attendait que le temps passe... c'était trop difficile à supporter.

Vraiment.

J'ai eu cette idée-là pendant deux-trois jours. Après j'en ai parlé à mon chum, qui était d'accord et qui m'encourageait. Après, deux jours plus tard, incapable de me retenir plus longtemps, j'en ai parlé à ma mère.

Je m'attendais à des protestations de tout genre, des "non" à n'en plus finir, une autre bataille à entamer.

Je lui ai dit, avant d'en parler, de ne pas monter sur ses grands chevaux et que j'étais consciente qu'il y avait encore beaucoup de choses à considérer. Cependant, j'avais bien réfléchi et j'étais déterminé, dans la mesure du possible, à prendre soin de ma grand-mère.

Et elle a dit qu'elle était impressionnée que j'aie eu une idée comme ça, et qu'elle me remerciait de la proposition que je faisais. Et elle a conclu: "Mais ce n'est à moi de décider. C'est au personnel médical. C'est eux qui pourront nous dire si c'est quelque chose de possible ou non."

Le plus surprenant, dans notre conversation, c'est qu'elle aie compris mon principal argument: "On peut rien faire contre la maladie, à part accepter que ça va aller de mal en pire. La chose qu'on peut faire cependant, c'est de l'accompagner dans cette maladie et de lui tenir compagnie quand elle souffre trop. C'est préférable qu'elle vive heureuse deux ans de moins chez moi que triste et désespérée deux ans de plus dans un centre."

Et elle a compris tout ça. "On prendra des rendez-vous avec des spécialistes pour voir si c'est possible."

Et sur le site de la société d'Alzheimer, ça semble très possible. :)

vendredi 3 décembre 2010

28- La fille d'avant

J'avais prévu m'entraîner après le travail. Au lieu de ça, j'ai été faire l'épicerie et je me suis engouffrée de chips.

SAUF QUE!

J'ai mis "Alors on danse" en trame sonore et alors, je me suis levée de mon siège et je me suis mise à danser. Toute seule! Dans mon appartement! Et ça me faisait tellement plaisir de voir mes cheveux revolés de tout sens, tout côtés! Et je me suis rappelée toutes ses soirées passées à fêter les vendredis soirs. L'alcool était peut-être de trop mais le plaisir était réel. Et à ce moment-là, j'étais heureuse. Mes humeurs étaient plus constantes, je me sentais confiante. Après est arrivé le temps des responsabilités, que j'ai pris un peu trop au sérieux. Et les choses ont commencés à s'écrouler une à une.

Mais je pense que je vais recommencer à sauter et à danser comme ça, n'importe comment, au milieu du salon, question de lâcher mon fou! Et je me donne comme objectif de le faire aussi devant mon chum, un jour, très bientôt!

27-

En préparant ma soirée de Noël de samedi, je me suis rendue compte d'une chose: je n'ai aucune recette de ma mère. Absolument aucune. Pas de petits cartons pour sa sauce à spaghettis, pas de vieux papiers fripés pour sa tarte aux sucres, rien. Il faut dire aussi qu'elle n'était pas une cuisinière hors-pair. Mais quand même, pas de livres de recette, ni même un judicieux conseil de cuisine dans ma tête.

Ça m'a fait tout drôle. C'était comme me rendre compte d'un manque. D'une anormalité. Le "Tu n'as pas de recette de cuisine de ta mère?" entre dans la catégorie des: "Ton père te bat?!", "Tu n'as pas de parents?!", "Ta sœur est morte?!" à peu de chose près...

Et l'appeler pour lui en demander? Si elle ne me renvoie pas sur Internet, je l'entends déjà soupirer en retirant ses livres de l'armoire pour me répondre.

Le truc, ce n'est pas le fait qu'elle cuisinait de façon pas très exceptionnelle. Je crois plutôt que ce manque, il vient du fait qu'elle détestait cuisiner. Il n'y avait pas d'application, pas d'amour, pas de joie. C'était une corvée, à tous les jours, à tous les soirs. Et quand on a été en âge de prendre le relai, elle nous l'a passé sans délicatesse, sans aide. Elle s'est juste assurée qu'on ne pas mettrait le feu à la maison et ça y est, dans sa tête, on savait comment cuisiner.

Or, manger, c'est un souffle de vie; sans nourriture, on meurt! Alors, c'est comme si ma mère ne nous cuisinait pas un bon petit souper familial mais qu'elle nous "entretenait", qu'elle nous "maintenait" en vie tous les soirs et que cette tâche l'ennuyait à mourir...

C'est ça, qui est terrible dans le fait de ne pas avoir de recettes de sa mère et que lui en demander serait quelque chose de déplacé...

mercredi 1 décembre 2010

26- Lutte contre une faucheuse

Hier matin, un vieux s'est effondré dans la rue. Il vacillait et une dame l'a aidé. Je me suis approchée pour l'aider aussi et deux pas plus loin, le pauvre succombait.

- Madame! Appelez le 911. Monsieur! Faites le 911! Le 911!!! S'il vous plaît!! Appelez le 911! Rapidement!
- Monsieur! Monsieur! Vous m'entendez??

Ses yeux me regardent et cherchent à s'accrocher. Les mannequins dans le cours de RCR n'avaient même pas de yeux, eux, et tout le monde autour riait.

- Monsieur, on a appelé l'ambulance, je vais m'occuper de vous.

Mais le vieillard disparaît du monde. Sa tête, qu'il tentait de soulever pour mieux me voir se relâche vers l'arrière. Quand je me penche au-dessus de lui, ses yeux ne me voit plus. Son pantalon est mouillé; sa vessie s'est relâchée.

- S'il vous plaît! Il n'y a pas une couverture dans l'autobus?? Apportez-moi une couverture! Je veux une couverture! Vite!

J'essaie d'écouter dans la panique un souffle vain. J'essaie de sentir un pouls malgré mes mains qui tremblent. Ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident. Je ne sais même pas si vraiment, son cœur s'était arrêté. Mais l'homme est visiblement mal. Avant de commencer les manœuvres de réanimation cardiaque, j'hésite sur la bonne position des mains. C'était comment déjà? Les doigts entre les doigts ou les uns au-dessus des autres? Incroyable comme questionnement en un temps pareil! Et puis, allez! On s'en fout!!!!!!! Vas-y direct!! La première poussée ne donne rien,je me repositionne, et je recommence, hésitante au début puis plus confiante après quelques poussées. Dans ma tête, je me répète en boucle: "C'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible."

Au bout de quelques compressions, il y a un bruit, le bruit que font les morts quand ils ressuscitent dans les films. Et je sens dans son thorax que quelque chose a changé. Le vieux revient à lui, il relève la tête, ne comprend pas ce qui se passe. On lui demande de rester couché, il refuse puis à force d'arguments, il finit par se laisser faire.

Je lui demande son nom, ses médicaments: "Heart", son âge: "86 ans". Ses allergies, d'où il vient, où il va aller maintenant: "À l'hôpital? Mais je viens de là! Je viens de sortir!" Le pauvre... l'hôpital était de l'autre côté de la rue.

Les ambulances, comme c'est long à arriver... Mais tout de même, ça arrive et c'est le plus important. Je lance les informations aux premiers ambulanciers que je vois. Ça y va tout seul. Les ambulanciers prennent place autour de l'homme, ils reprennent la situation en main et tranquillement, ma place est de moins en moins au côté de ce petit vieux. Il va mieux. Moi j'ai envie de pleurer.

Un ambulancier me dit: "Merci" comme une invitation à partir, à lâcher prise sur la situation. Je n'aime pas le statut de spectatrice dans ce genre d'événement. Je trouve ça pervers, malhonnête, croche. Il me reste plus qu'à traverser la rue pour prendre l'autobus, l'envie de pleurer toujours dans la gorge...

Le soir, j'apprends de ma mère que ma grand-mère est tombée et qu'elle va moyennement bien...